mercredi 26 décembre 2012
dimanche 23 décembre 2012
mercredi 19 décembre 2012
lundi 17 décembre 2012
LIBYE 2021 : NOUVEL ELDORADO OU CHAOS ?
LIBYE
2021 : NOUVEL ELDORADO OU CHAOS ?
par
Marc-Emmanuel PRIVAT
La Libye ne déroge pas à la
règle. L'étude de sa géographie et de son histoire est
incontournable pour dépasser les faux-semblants de l'actualité et
extraire quelques lignes de force, fondement de toute réflexion
prospective.
L’O.N.U.
évalue la population libyenne entre 7,5 et 8 millions à l'horizon
2025, pour une estimation actuelle comprise, selon les sources, entre
5 et 6 millions1.
La
mort de Muammar Kadhafi, le 20 octobre dernier, légitime le fait de
s'interroger sur l'avenir des Libyens, à la fin d'une séquence
historique ; bien malin qui pourrait dire ce que la Libye sera
en 2021. La facilité voudrait qu'on s'en remette aux faits de
l'actualité.
Pourtant
les États faillis ou en phase de mutation politique de grande
ampleur, ne peuvent échapper à certaines permanences. La Libye de
demain aura fort à faire pour dépasser son statut d'objet
géopolitique.
Qui
s'intéresse à la Libye ne peut faire l'impasse ni sur sa
géographie, ni sur son histoire plurimillénaire, dont on ne retient
à tort que les dernières décennies. Les ressources de ce
territoire, des peuples qui l'habitent et les soutiens dont il
dispose militent pour l'optimisme. Mais chacune des raisons qui
précèdent sont comme des pièces de monnaie, avec un avers
d'inquiétude.
La
Libye a connu à travers les âges de multiples présences
étrangères. Ces événements peuvent expliquer sa difficulté à
trouver une cohésion sociale et politique.
Le
pays couvre une superficie de près de 1,8 million de km², entourée,
d'est en ouest par l’Égypte, le Soudan, le Tchad, le Niger,
l'Algérie et la Tunisie. C'est un État riverain de la Méditerranée2
avec un gigantesque hinterland désertique. Strabon écrit :
« la Libye, de l'aveu général, ressemble à une peau de
panthère car elle est parsemée de points d'habitations qu'entoure
une terre sans eau et déserte. »3
La
Libye est une « vieille » idée. On y trouve des dessins
pariétaux datés de plusieurs milliers d'années avant notre ère
et, dès l'Antiquité, la Cyrénaïque (à l'est), la Tripolitaine (à
l'ouest) et le Fezzan (au sud-ouest) existent en tant qu'entités.
Avant l'arrivée des premiers Phéniciens sur la côte de Libye, vers
1000 avant J.-C., l'existence des « Libous4 »
est déjà attestée par les Égyptiens qui les craignent. Les Grecs
puis les Romains s'installent. La vie urbaine se développe sur la
côte et la sédentarisation gagne les campagnes. Au IIIe siècle
après J.-C., les sols ayant été surexploités par la culture, les
populations de la Tripolitaine retournent progressivement vers
l'élevage nomade. Lorsque le territoire est conquis par l'empire
byzantin, au VIe siècle, il s'est considérablement appauvri.
Au
milieu du VIIe siècle, les Arabes, après une âpre résistance,
s'emparent du pays. La Libye renoue massivement avec le nomadisme et
vit repliée sur elle-même, rythmée par le passage des caravanes.
Au milieu du XVIe siècle, Tripoli tombe aux mains de la Sublime
Porte mais son autorité reste théorique en dehors de la ville.
En
1711, la régence turque est enlevée par la dynastie Karamanli qui
en fait un État riche et autonome. En 1835, Constantinople reprend
la main. Cependant la majeure partie du territoire reste sous la
domination des tribus nomades. Au même moment, Mohamed Ibn'Ali
al-Sanusi, arrivant de Mostaganem, fonde une confrérie religieuse,
la Sanûssiya ; il s'installe en Cyrénaïque et réussit à
apaiser progressivement les conflits entre tribus. Son prestige
s'étend à travers le pays.
En
1911, l'Italie envahit la Tripolitaine et la Cyrénaïque. Une
relative autonomie est attribuée aux autochtones mais les accords ne
sont pas respectés et les tribus se révoltent. Arrivé au pouvoir,
Mussolini lance une grande opération de pacification mais la Libye
n'est entièrement soumise qu'en 1931. Le descendant de Mohamed
Ibn'Ali al-Sanusi, Idris, part en exil.
En
1941, après l'échec de l'offensive italienne contre les
Britanniques qui tiennent l’Égypte, ceux-ci occupent Benghazi. Les
Allemands se portent au secours de leurs alliés. Après
leur défaite à El Alamein, la reconquête par les britanniques, et
d'âpres négociations entre les Alliés, une résolution de l'ONU
prévoit que le pays
accède à l'indépendance. L'émir Idris, rentré d'exil, devient
chef de l’État en 1952. Jusqu'en 1956, la Libye reste sous
l'influence des Anglo-saxons.
La
découverte de pétrole en 1956 permet une augmentation spectaculaire
du niveau de vie mais également le développement de fortes
inégalités sociales. L'unité nationale de la Libye demeure
fragile. La légitimité d'Idris n'est vraiment reconnue qu'en
Cyrénaïque.
Le
1er septembre 1969, plusieurs jeunes officiers, influencés par
Nasser, prennent le pouvoir et proclament la République arabe
libyenne. L'un d'eux, Muammar Kadhafi, devient chef de l’État. Il
se déclare à la fois pan-arabe, pan-africain et tiers-mondiste.
À
l'extérieur, sa politique d'alliance avec ses voisins arabes et
africains est un échec. Ses prises de position extrêmes en font un
paria. Cette mise à l'index est encore renforcée après que la
Libye est accusée de pratiquer le terrorisme d’État à la fin des
années 1980.
En
politique intérieure, grâce à la rente pétrolière et à un
exercice autoritaire du pouvoir, il parvient à obtenir un consensus
autour du régime. A partir de la fin des années 1990, le
contre-choc pétrolier le prive de ressources : ses soutiens
s’amenuisent.
Le
printemps arabe de 2011 chez ses voisins immédiats est le
déclencheur qui conduit à la chute du régime.
Aujourd'hui,
au-delà d'une situation conjoncturelle qui paraît délicate, la
Libye dispose d'atouts qui sont autant de motifs d'optimisme. Elle
conserve un sous-sol riche, sa population est éduquée et elle
bénéficie du soutien international.
La
Libye peut, pour tourner la page du kadhafisme, s'appuyer sur un
sous-sol généreux. Il recèle 3% des ressources pétrolières
mondiales, soit 42 milliards de barils. Les réserves prouvées de
gaz s'élèvent à 1500 milliards de m3, plaçant la Libye au 25e
rang mondial5.
Enfin le projet de la Great
Manmade River6
s'est développé sur une estimation des réserves d'eau fossile de
120 000 milliards de m37.
Grâce à une gestion intelligente, ces réserves peuvent servir de
fondement au développement d'une économie prospère.
Car
la Libye dispose d'une autre force, sans doute l'un des succès de
Kadhafi ; 80% des jeunes Libyens sont scolarisés, garçons et
filles confondus. Cela en fait un atout considérable, renforcé par
une diaspora bien établie dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni,
États-Unis, et Canada, notamment) dont nombre de membres sont prêts
à rentrer au pays, ou à participer au nouveau départ de leur pays
depuis leur patrie d'adoption.
Enfin
la « nouvelle » Libye dispose d'un avantage non
négligeable, le soutien de plusieurs pays occidentaux. Quelles que
soient les arrières-pensées de ses supporteurs, cette aide lui
assure une position sur la scène internationale et des lignes de
crédits pour sa reconstruction et la diversification de son
économie.
Ainsi,
les trois points positifs cités supra
permettent d'envisager son avenir avec un relatif optimisme.
Pourtant,
derrière cette façade porteuse d'espoirs, d'autres facteurs
viennent assombrir le tableau. En premier lieu le revers de la
médaille du soutien international. Ensuite l'omniprésence du
tribalisme. Enfin, il est difficile d'envisager l'avenir libyen sans
se pencher sur le rôle de ses voisins.
L'intervention
d'une coalition internationale sous mandat onusien permet certes de
mesurer le soutien dont peuvent bénéficier les nouveaux dirigeants
libyens. Pourtant, le monde reste régi par la « realpolitik ».
A brève échéance, les bulldozers de la reconstruction porteront
les mêmes cocardes que les bombardiers de la coalition et plus tard
ce seront les mêmes qui puiseront et/ou raffineront des ressources
fossiles, qu'elles soient liquides ou gazeuses. Enfin on retrouvera
les produits des mêmes dans les rues, les usines ou les arsenaux de
Tripoli, Benghazi ou Syrte.
Par
ailleurs l'hinterland désertique libyen suscite de légitimes
inquiétudes chez les États occidentaux, comme autant de refuges et
de camps d'entraînement pour des islamistes tels ceux d'AQMI8.
Enfin
la façade méditerranéenne qu'offre l’État libyen fait de son
territoire une plate-forme de choix en matière de surveillance et de
ravitaillement. La Libye de demain apparaît donc autant redevable à
ses nouveaux protecteurs que libérée de son ancien dictateur.
De
même, l'histoire mouvementée de la terre libyenne prouve combien le
rôle des tribus est à prendre en compte. La Sanûssiya conquit la
Libye par les tribus et Idris, comme Kadhafi sans doute, deux hommes
de la Cyrénaïque, perdirent le pouvoir par les tribus. La Libye
renaîtra par elles. Deux questions subsidiaires se posent :
celle de savoir si cet équilibre instable peut être obtenu dans les
conditions d'une démocratie à l'occidentale, et la place exacte que
l'islam prendra. Le recul est trop court pour tirer quelques
conclusions mais les premières décisions du nouveau pouvoir
semblent militer pour la voie islamique. Souvenons-nous que les
Berbères ont résisté avec force à la conquête islamique mais
qu'ils ont ensuite embrassé la religion avec la fougue des nouveaux
convertis.
Enfin
l'attitude des voisins face au nouveau pouvoir n'est pas connue mais
la géopolitique reprend toujours ses droits. Ses riverains
occidentaux et orientaux sortent difficilement de leur propre
printemps arabe ; la Libye aura donc peut-être un peu de répit
face à des prétentions égyptiennes et tunisiennes. En outre,
l'économie redémarrant, les mouvements migratoires de travail en
provenance des voisins tant subsahariens que méditerranéens
recommenceront. Dans le même temps, on peut craindre qu'un chef
d’État de la région ne reprenne à son compte le flambeau du
messianisme pan-arabe, pan-africain et tiers-mondiste. Le président
soudanais Omar El-Béchir, privé de son sud, pourrait aisément
embrasser cette nouvelle cause. Cette perspective plongerait à
nouveau la région dans une phase de turbulences.
La
Libye est à la croisée de plusieurs chemins : en interne, la
volonté démocratique, la tentation islamique et la prégnance du
tribalisme se font face ; sur le plan extérieur, le rôle joué
par les protecteurs et les voisins a également une incidence. Si
l'étude de son histoire et de l'observation de sa géographie ne
peuvent assurément pas permettre d'y lire son avenir, elles restent
des références éclairantes sur lesquelles on peut fonder une
réflexion ; la
Libye de demain devra composer avec de fortes contraintes pour
s'extraire de sa position d'objet géopolitique.
Au-delà
de la Libye, à une époque vaincue par la tyrannie de l'immédiateté,
il convient sans doute de regarder l'ensemble méditerranéen à
travers le prisme du temps long car, comme le rappelle Fernand
Braudel : « Le but secret de l'histoire, sa motivation
profonde, n'est-ce pas l'explication de la contemporanéité ? »9
1Cité
par PINTA Pierre, La Libye, Paris, Éditions Karthala, 2006,
p.68.
21700
kilomètres de côtes
3STRABON,
Géographie, Paris, Les Belles Lettres, 2003.
4Ce
terme générique qualifie tous les peuples qui habitent en Afrique
du Nord ; c'est parmi eux que l'on trouve les ancêtres des
Berbères.
5Chiffres
2006, source : Chambre de commerce franco-libyenne.
6Projet
pharaonique de rivière souterraine, lancé en 1985 et destiné à
irriguer le littoral à partir des réserves d'eau fossile.
7Chiffres
2003, source : magazine H2O.net
8AQMI :
Al-Qaeda au Maghreb Islamique
9BRAUDEL
Fernand, Civilisation matérielle, Économie et Capitalisme. XVe
– XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1979, T.3 « Le
Temps du monde »
dimanche 16 décembre 2012
samedi 15 décembre 2012
Archi'criture est né
Parce que je ne conçois
pas l'architecture sans l'écrire
Parce que les architectes
n'écrivent pas assez
Archi-criture est
né.
J'y écrirai l'architecture,
bien sûr, mais aussi bien d'autres choses : la Guyane, la
frontière, les espaces souterrains, la ville et la guerre...
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