jeudi 7 mars 2013

Adrar des Ifoghas et guerre souterraine (2)

La description que donnent les media du sanctuaire d'AQMI, découvert dans l'Adrar des Ifoghas, permet de préciser à quel type de système souterrain décrit par Jérôme et Laurent Triolet dans La Guerre souterraine il est possible de le rattacher.
 
Sans conteste, ces installations mêlant espaces enterrés et semi-enterrés peuvent être rapprochées de celles construites par les Vietnamiens pour lutter contre les Français puis les Américains, les replis d'un relief contrarié remplaçant la végétation exubérante de la forêt tropicale.
Le recours à cette technique mixte peut s'expliquer par l'usage des différentes pièces et/ou par l'espace à aménager ; ainsi, un poste de commandement, considéré comme sensible, sera plus profondément enfoui, pendant qu'une cuisine, dont les fumées doivent être évacuées facilement, sera davantage proche de la surface, suivant un mode semi-enterré et camouflé par la végétation ou un toit boisé recouvert d'une faible couche de terre. De même, le camouflage d'un véhicule ou d'un engin blindé, dont l'enfouissement complet nécessiterait le déplacement d'un important volume de terre et limiterait sa disponibilité, est fondé sur un système de fouille peu profonde.
Enfin, tout complexe profondément enterré nécessite l'évacuation d'importantes quantités de déblais qu'il faut répartir par étalement à la surface, tâche d'autant plus malaisée si les couches creusées sont constituées de roches de consistance et teintes différentes de celles affleurant à la surface.
 
Au-delà de l'aspect purement technique, il importe de rappeler les deux éléments qui complètent de façon indispensable tout réseau de défense souterrain.
Premièrement, celui-ci doit se trouver dans une zone difficilement contrôlée par l'adversaire, que ce soit par la présence pas forcément massive mais réelle de forces "amies" ou plus simplement par son accessibilité délicate. Le cas afghan a été particulièrement parlant tant pour les forces soviétiques qu'otaniennes, puisqu'associant à une géographie physique et climatique tourmentée un fort sentiment d'insécurité permanente.
Deuxièmement, cette structure doit pouvoir s'adosser à un hinterland sanctuarisé, qui permet l'apport de troupes et un flux logistique sécurisé, et/ou une puissance politique. Citons à titre d'exemples les zones tribales pakistanaises, pour les complexes de montagne afghans, ou le Maroc et la Tunisie et le Gouvernement provisoire de la république algérienne pour les combattants de l'Armée de libération nationale en Algérie avec la particularité, pour ce dernier cas, d'une liaison avec les hinterlands marocain et tunisien  progressivement coupée par les lignes Challe et Morice mais l'existence d'une structure politique déterritorialisée ayant une forte résonnance internationale, jouant le rôle d'un "hinterland virtuel" mais très efficace politiquement.
Pour le sanctuaire d'AQMI, les deux aspects peuvent se décliner de la façon suivante. D'un point de vue purement géographique, l'Adrar des Ifoghas, et plus généralement toute la bande sahélienne, par ses dimensions et son caractère désertique, apporte de facto une bonne protection. ensuite, géopolitiquement parlant, cette zone est à proximité du point de contact des trois frontières malienne, nigérienne et algérienne et située à un peu plus de 1000 kilomètres de la Libye, où la chute du régime de Khadafi a ouvert en grand les portes de ses arsenaux, transformant le pays en une gigantesque plateforme de fourniture d'armes. Enfin, sous un angle stratégico-politique, le recours aux enlèvements d'occidentaux, associé à une grande maîtrise de la communication et des ressorts de l'émotion, assure un "bouclier humain" des plus efficaces.
 
Il résulte de ces considérations que le succès d'une entreprise de réduction d'un tel sanctuaire souterrain doit s'appuyer sur :
  • un accord politique a minima des Etats limitrophes;
  • une capacité de renseignement permettant de cibler avec précision la zone à fouiller;
  • une capacité d'engagement militaire associant une force au sol rustique, adaptée aux contraintes du terrain et polyvalente (souplesse, vitesse de déplacement, puissance de feu, moyens de fouille et d'excavation) et un appui-feu dans la troisième dimension.

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