lundi 4 mars 2013

Adrar des Ifoghas & guerre souterraine

Les troupes françaises et tchadiennes semblent concentrer leurs efforts sur l'Adrar des Ifoghas, région montagneuse frontalière entre le Mali et l'Algérie, qui sert de refuge aux combattants d'AQMI.
Il est fréquemment indiqué dans les media la présence de grottes leur permettant de dissimuler leur présence, de se protéger des raids aériens et d'y entreposer des armes, des vivres et des munitions.
 
La lecture de l'ouvrage de Jérôme et Laurent Triolet, La Guerre souterraine , publié aux éditions Perrin, vient à point nommé éclairer cette face cachée de la guerre.
A travers une fresque historique, qui va des villes souterraines de Cappadoce, construites à partir du VIIIe siècle, jusqu'aux souterrains libanais d'aujourd'hui en passant par les souterrains-refuges médiévaux, les deux auteurs dressent une typologie du  recours au sous-sol comme protection, que ce soit le résultat d'un creusement humain ou plus simplement l'aménagement de cavités naturelles.
Le chapitre sur les complexes souterrains afghans est passionnant : utilisés sans doute dès le XIIIe siècle, lors du passage de Gengis Khan, puis pendant les trois guerres anglo-afghanes du XIXe et du début du XXe siècles et enfin surtout pendant les dix ans de présence soviétique et à nouveau à partir de 2001 face aux forces otaniennes, ils ont été modernisés mais le principe est resté quasiment le même : on découvre la force du sous-sol dans les conflits asymétriques. Le recours aux espaces souterrains permet à un combattant autochtone, connaissant parfaitement son terrain d'évolution, de résister avec des moyens limités à une force bien supérieure, jusqu'aux frappes aériennes et d'artillerie d'un adversaire doté de la technologie de guidage laser. Pour l'assaillant, la volonté de réduire ces "caves" est synonyme d'un engagement massif de forces terrestres et de pertes importantes, sans certitude d'une éradication définitive. En effet, qu'ils soient naturels ou creusés, ces souterrains sont très souvent ramifiés et leur exploration exhaustive est délicate, sauf à disposer de forces nombreuses susceptibles de sécuriser la zone pendant une période longue et de moyens du génie spécifiques (équipes d'exploration cynophile, bulldozers, équipes et engins de minage, fortes quantités d'explosif...).
 
"Comparaison n'est pas raison". Pour autant, il faut tenir compte des leçons du passé et la guerre souterraine n'échappe pas à cette logique. Les frères Triolet en donnent deux exemples :
  • les grottes de Kabylie qui servirent successivement de refuge dans les années 1950-60 au FLN face aux soldats français puis dans les années 1990 au GSPC face à l'armée algérienne, par un cruel retournement de l'histoire;
  • l'aveuglement des forces américaines dans l'approche retenue pour réduire les complexes afghans, alors que leurs analystes du "Foreign military studies office " avaient effectué un très important travail de retour d'expérience sur les interventions russes trente ans plus tôt face à ces mêmes "caves" .
Ainsi, même si l'observateur a toujours le beau rôle, son devoir est de fouiller le passé et de pointer le doigt sur les "lessons learned" chères aux anglo-saxons.

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